“Depuis des siècles et jusqu’au XIXe, on emmaillotait ainsi les bébés de crainte que leur mollesse n’entraîne quelque accident, et pour qu’ils grandissent droits et bien formés.[…] Si elles pendent (1) , durant des heures, leurs enfants à un clou par leur maillot c’est dans la bonne intention qu’ils ne soient ni mangés, ni blessés par les animaux de la ferme. Il n’y a aucune méchanceté, même si les résultats sont cruels pour l’enfant dont le sang circule mal.” Puis, à la faveur des nouvelles idées nées à l’issue du XVIIIe siècle: “Le nourrisson démailloté n’a pas les mêmes rapports avec sa mère que l’enfant ligoté. Délivré de son carcan, il peut jouer avec elle, l’agripper, la toucher et faire sa connaissance. La mère peut le caresser plus facilement et l’embrasser, alors que le bébé emmailloté, comme le remarque Shorter, est incapable de réagir aux caresses maternelles. Une fois ôtée cette armature, tendresse et rapports charnels sont enfin possibles entre mère et enfant.
C’est comme pour Charlemagne et son école…
Mais qui a eu l’idée un jour ? D’inventer l’emmaillotement ?
Et bien, on le connait déjà celui qui a propagé sa pratique au travers des siècles, c’est Soranos d’Ephèse (jour 64 et de nouveau dans le jardin des Roses, jour 118) il n’a probablement pas été le premier à recommander cette pratique, mais, il est l’un des premiers à en avoir laissé une trace écrite.
Il véhicule en particulier l’idée que le corps du nourrisson est mou, et qu’il risque de se déformer, et dans ce sens, il est nécessaire de le maintenir pour éviter les malformations et le raffermir.
En suivant ce lien, vous trouverez Iulia de la troupe Via Romana, qui a suivi ligne à ligne le texte de Soranos d’Ephèse, et qui emmaillote un bébé celluloïde.
François Mauriceau au XVIIe siècle sera le dernier auteur à recommander cette pratique :
“L’enfant doit être emmailloté afin de donner à son petit corps la figure droite qui est la plus décente et la plus convenable à l’homme et pour l’accoutumer à se tenir sur ses deux pieds ; car sans cela, il marcherait peut-être à quatre pattes comme la plupart des autres animaux.”
(Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui ont accouché. 1675)
Une des autres raisons à la pratique de l’emmaillotement des bébés est de le protéger du froid, des courants d’air, des intempéries.
Dans les premières semaines, tout le corps est pris dans des bandelettes, lorsqu’il grandit, au bout de quelques mois, on lui libère les bras, puis, il quitte le maillot aux alentours de la fin de sa première année, alors qu’il va pouvoir apprendre à faire ses premiers pas.
Puis, dans le courant du XVIIIe siècle nait la conscience et le sentiment de l’individu, la place de l’enfant dans la famille change totalement, il apparait alors comme un petit être à choyer, à aimer.
Les réflexions sur les causes de la mortalité infantile, et la nécessité de la faire diminuer pour assurer une belle croissance démographique au pays, sont des facteurs qui vont également faire évoluer les soins et l’attention portés aux tout petits.
Dans “l’Emile ou de l’éducation” (écrit en 1762) on compare l’emmaillotement à des chaînes, il conseille aux parents de laisser l’enfant se développer en toute liberté de mouvement, pour avoir la satisfaction de le voir se renforcer de jour en jour.
D’autres pédagogues vont le suivre dans cette voie bien sûr, mais il faudra un bon siècle (et même un peu plus dans le monde rural) pour que cesse la pratique de l’emmaillotement.
Bien sûr, le bouleversement des soins apportés aux tout petits à cette époque, ne se réduit pas à l’arrêt de l’emmaillotement.
La façon de les nourrir, de les faire dormir, de les porter, de les éduquer, tout simplement, va suivre une révolution complète en quelques décennies, et se rapprochera progressivement de nos idées actuelles.
Aujourd’hui, on voit réapparaitre l’emmaillotement, dans de toutes autres circonstances cependant. Les arguments apportés sont le sentiment de sécurité pour le nouveau-né, callé dans des langes ajustés, un apaisement, et la réduction des coliques…